avril, 2016
Surf & ride au Sri Lanka
On dit du Sri Lanka, que c’est la larme de l’océan Indien. Cette petite île (de la taille du Benelux) semble, en effet, comme s’écouler tristement de l’Inde, sa grande voisine. Des larmes ? Le Sri Lanka en a beaucoup versé avec une guerre civile qui déchira pendant trente longues années les habitants de ce petit paradis.
Depuis 2009, fort heureusement, le conflit entre Tamouls et Cinghalais a cessé et aujourd’hui le Sri Lanka offre un nouveau visage : joyeux, souriant et multiple. Ses plages de cartes postales et ses routes magnifiques entre plantation de thé, montagnes brumeuses, savanes arides en font un terrain de jeu formidable pour les motards et les surfeurs.
Pierry Minette, motard aventurier et surfeur, a eu la bonne idée de créer Surf & Ride, un road trip inédit pour combler les amoureux du bitume et des belles vagues. Avec comme bagage, 3 semaines de surf en Bretagne et 3 ans de permis, je me suis lancée dans cette aventure unique.
Le programme était simple. Depuis Colombo, la capitale, longer une partie de la côte sri- lankaise, faire quelques incursions dans les terres et surtout combiner un maximum de sessions de roulage et de surf. Pour prendre la route ? Une Royal Enfield, le mono 500 idéal pour s’élancer sur l’asphalte comme sur les chemins un peu plus cabossés du pays. Pour prendre les vagues ? Rien de plus simple. Sur toutes les plages, une petite guitoune nous attendait pour louer une planche pour quelques roupies. Ensuite il n’y avait plus qu’à se jeter… à l’eau.
L’âme à la vague
Pour l’habituée de l’Atlantique que je suis, le premier contact avec le Pacifique à Hikkaduwa fut évidemment contrastant.
Adieu combinaison intégrale, cagoule, chaussons and co… ici l’eau avoisine facilement les 29 degrés ! De quoi se faire plaisir pour surfer ou tout simplement barboter.
Mais attention les eaux paradisiaques du Sri Lanka se révèlent plutôt surprenantes avec des vagues bien plus puissantes qu’elles n’y paraissent. Arugam Bay est connue mondialement pour ses vagues, longues et rapides, dépassant parfois les trois mètres.
Ici, il faut donc avoir le maillot bien accroché et être prêt à vivre des moments de machine à laver programme essorage intensif. Après quelques essais, j’ai vite saisi ce premier point en commun entre le surf et la moto : la route comme l’océan te rappellent toujours que tu n’es pas le roi du monde.
Tout comme un virolo mal embarqué peut te faire embrasser le bitume, une vague mal amorcée peut aussi te faire manger du sable voire du corail. Je me souviens encore d’un mauvais démarrage en surf qui m’a donné l’impression de m’insérer sur un circuit en scooter avec des 200 chevaux qui me talonnent dangereusement !
Conduire au Sri Lanka
Tous les matins, après une petite session de surf au lever du jour et un petit déjeuner bien épicé comme il se doit, venait le joyeux moment de reprendre la route. Conduire au Sri Lanka, est une aventure à part entière. Dès le premier kilomètre, je me suis sincèrement interrogée sur le niveau exigé pour obtenir le permis dans ce petit pays. A vrai dire au deuxième kilomètre, je me suis tout simplement demandé s’il y avait un permis. Et finalement, au troisième kilomètre, je me suis dit qu’à l’épreuve de l’évitement au plateau, les Sri Lankais seraient les champions hors catégorie. Car c’est bien simple, au Sri Lanka, conduire équivaut à éviter les autres qui sont, dans le désordre d’apparition : les tuk tuk, les chiens, les piétons, les voitures, les vaches et les autocars rouges. Datés d’un autre siècle, ces derniers sont définitivement les plus dangereux. A 90 km/heure, lancés comme des bolides sur des routes qui traversent de minuscules villages, ils freinent à peine aux arrêts de bus. Et voilà des piétons et des passagers capables de toutes les cascades (en tongues) pour grimper ou descendre du diabolique engin roulant.
Finalement, après quelques bornes, le klaxon devient l’extension de votre pouce et se révèle bien plus important qu’un quelconque clignotant. Heureusement, ceci n’est valable que pour les rares routes nationales, car tout comme les meilleurs spots de surf, (encore un point en commun) les plus belles routes sri lankaises savent se faire désirer et sont éloignées des grands axes.
Pierry Minette, le guide, a bossé un parcours qui n’est autre que du bonheur à rouler
A fleur d’océan, les petits chemins qui traversent les villages de pêcheurs sont dignes de cartes postales vivantes. La nature y reprend ses droits et vous offre son flot d’odeurs paradisiaques et ses couleurs explosives : frangipaniers, bougainvilliers, hibiscus géants. Le Sri Lanka est un pays tout en fleurs et si le pacifique vous fait toujours de l’œil, c’est bien les sourires des enfants et des habitants qui vous accompagnent tout au long des ces petites routes.
Let’s ride and smile !
Du bonheur ….en infusion
Il faut savoir délaisser les routes côtières et les planches de surf pour s’enfoncer dans les terres intérieures du Sri Lanka. Rouler dans les Hautes Terres, c’est du bonheur en infusion ! Les virages en épingles à cheveux au fil de crêtes verdoyantes vous font ondoyer au milieu d’une tapisserie émeraude : celle des plantations de théiers. Le Sri Lanka portait jusqu’en 1972 le nom de Ceylan, un nom indissociable du thé. Les environs d’Ella, au centre du pays offrent un paysage fascinant façonné par l’Homme il y 2 siècles et entretenu tels les jardins du château de Versailles. La Royal Enfield est parfaite pour s’aventurer sur les chemins pierreux et s’enfoncer au cœur des plantations.
Un paradis vert parmi lequel drapées dans leurs saris éclatants les cueilleuses sont autant de petites touches de couleurs. Au guidon de mon fidèle destrier, j’ai pensé que la cueillette était un bien joli mot pour désigner en réalité un travail harassant effectué uniquement par des femmes tamoules. Ces familles demeurent les plus mal payées du pays et sont encore sous considérées y compris par le reste de leur communauté ! Ainsi, chaque jour à la sueur de leur front, les cueilleuses récoltent plus de 35 kilos de petites feuilles qui en moins de 24h deviendront la célèbre poudre dégustée à l’heure du five o’clock tea. De quoi regarder différemment le petit sachet de thé une fois rentrée ! Les routes des Hautes Terres sri-lankaises restent selon moi les plus beaux moments de roulage du voyage et l’image la plus évocatrice de cette île.
Prêt pour un safari moto ?
Avec ces 200 kilos réservoir plein, la Royal Enfield pèse 15 fois moins que le plus grand pachyderme du monde à savoir l’éléphant. Une comparaison certes un peu inhabituelle mais tout de même à prendre en compte quand vous abordez un corridor routier indiquant par un panneau (on ne peut moins habituel) la traversée probable de Babar et toute sa famille.
Les réserves naturelles comme celle de Yala au cœur de l’ile permettent non seulement de s’éclater sur des petites pistes parfois ensablées bien sympathiques et aussi de s’approcher à quelques centaines de mètres des géants de la forêt. Un spectacle magique à vivre surtout à la tombée du jour quand la terre ocre se pare de ses plus beaux reflets et que toute la nature se met en mouvement : ici les centaines de hérons par centaines regagnant leurs arbres, là les buffles revenant des rizières avec leurs inséparables piques bœufs sur le dos… Pour les amoureux de la nature, le Sri Lanka offre vraiment une faune exceptionnelle à apprécier en toute liberté depuis sa selle. Les singes qui déguerpissent, les paons qui s’extasient devant vos roues, les varans qui se traînent nonchalamment… sont autant de visions qui rythment le voyage quotidiennement.
Je pourrais également parler des centaines de temples bouddhistes et hindouistes qui jalonnent la route, des délicieux rice curry qui enflamment les papilles, des trésors architecturaux comme la ville de Galle et son passé colonial hollandais classée au patrimoine mondial de l’Unesco, des chiens jaunes errants aux oreilles coupées signe de bonne santé et même d’un corbeau qui s’est bien marrer à lâcher sa prise (un poisson mort) en plein vol sur ma tête…
Oui, le Sri Lanka est un pays surprenant et multiple.
Il y a fort longtemps, il portait le nom de « Serendib » qui a donné le nom un peu râpeux et peu connu de sérendipité, soit le fait de trouver ce qu’on ne cherche pas (un peu comme la tarte tatin, le coca-cola, et bon nombre d’inventions issues du hasard). Le Sri Lanka peut revendiquer haut et fort son illustre nom car une chose est certaine, là-bas, vous trouverez bien plus que ce que vous y êtes allés chercher. Des plages de rêves pour surfer, des routes sublimes mais surtout une façon unique de mettre votre âme en déroute. N’est-ce pas là le but de tout voyage ?