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Japan ride, 1 fille, 1 moto au japon
Le voyage de Sophihiro…
Le voyage de Chihiro est le plus grand succès de l’histoire du cinéma japonais avec 23 millions de spectateurs au Japon. Le dessin animé de Miazaki raconte l’histoire d’une petite fille qui alors qu’elle se rend avec sa famille dans sa nouvelle maison, entre dans le monde des esprits.
Les esprits dont parlent Miazaki sont les « kamis » de la religion Shinto.
Forces ni bonnes ni mauvaises, les kamis sont invisibles dans le monde des vivants et pourtant ils habitent chaque élément du monde…
Au Japon, il existe ainsi des centaines de kamis : celui des vents (le kami kaze), celui des montagnes, des rizières, de la pluie, du soleil, des forêts, des mers, des feuilles, des cailloux….Aujourd’hui, si je peux dire que je les ai tous croisés, je suis persuadée d’avoir rencontré le Kami de la route. Oui, de Shikoku au Mont Fuji, de la mer du Japon au Pacifique, l’esprit de la route m’a accompagnée pour parcourir ces petits 2000kms toute seule au guidon de ma belle moto orange.
Yamamoto et y’a surtout des virolos….
Le Japon souffre d’une image hyper « mégapolisée ». Tokyo, Nintendo, Sony, les lolitas édulcorées, les salary men dépressifs…bref Lost in translation.
La réalité est pourtant à 1000 tatamis de cela. Le Japon est recouvert à plus de 70% de montagnes et de forêts denses. Seul un peu plus du cinquième du territoire est habitable expliquant ainsi la très forte concentration de la population près des littoraux. Les montagnes qui s’étendent du Nord au Sud sur près de 2000 km forment un terrain de jeu magnifique et grandiose pour les amateurs de sensations, de paysages magnifiques et de virolos à gogo.
Le Japon est un pays absolument fascinant, un pays fort et fragile, capable de se pâmer devant l’évanescence d’une fleur de cerisier comme de résister aux pires catastrophes. C’est aussi le pays des paradoxes et des étrangetés en tout genre. On peut fumer dans les bars et restaurants mais pas dans la rue.
Et si c’est le pays de la moto, c’est aussi une vraie tanné pour en louer une. Les Japonais ne parlant pas l’anglais, il est quasiment impossible de se procurer une moto car il est tout simplement impossible de comprendre les informations fournies. Heureusement, j’ai réussi après de longues recherches à trouver mon bonheur auprès d’un garage indépendant tenu par un Australien à côté du Mont Fuji.
Là, une magnifique moto m’y attendait : une Kawasaki W650 orange pétante. Une moto, bien différente de ma Harley certes, mais idéale pour mon gabarit, ultra maniable, robuste, assez puissante et pas trop lourde. Dès la mise en route du moteur et les premiers kilomètres, j’ai adoré cette bécane et je l’ai rebaptisée « Orange Mécanique ».
Conduire au Japon ?
Les Japonais roulent à gauche. Cela peut paraître déroutant au début, mais finalement ce n’est pas bien compliqué si on est concentré. Et il faut l’être car si nos amis nippons roulent majoritairement très très lentement, le gros bémol reste leur tendance à mettre leurs clignotants uniquement au moment où ils tournent. C’est inopiné, c’est surprenant et c’est très dangereux. Rajoutez à cela que la moyenne d’âge des conducteurs dans les campagnes doit approcher les 100 ans et vous comprendrez qu’il faut se méfier.
Quant aux panneaux, ils sont majoritairement en japonais et en écriture latine ce qui permet de reconnaître le nom des villes. En revanche une fois sur les petites routes, vous ne pouvez vous fier qu’à votre fond de carte gps qui ne traduit pas forcément les noms des villages….Il est donc absolument nécessaire de partir avec des cartes routières, qui sont uniquement en japonais !
Donc forcément, on se perd. Pour ma part, je me suis perdue des dizaines et des dizaines de fois. Comme dit Christophe Colomb, « on ne va jamais aussi loin que quand on ne sait pas où l’on va ». Alors, j’ai décoché toutes les options de mon gps : autoroutes, grands axes, routes payantes et j’ai pris la route, la mienne.
Into the wild à Shikoku…
Ma route m’a amenée à Shikoku, l’une des quatre grandes îles du Japon, connue des Japonais pour son pèlerinage des 88 temples et inconnue de la plupart des touristes.
Il faut dire que cette île volcanique a une topographie inhospitalière car composée uniquement de montagnes recouvertes de forêts impénétrables. La densité des arbres (bambous géants, pins centenaires) est à la fois ensorcelante et angoissante. L’île recèle ainsi l’une des régions les plus cachées du Japon autour de la Vallée d’Iya.
Rouler au cœur des gorges d’Oboke Koboke est tout simplement magique. Les petites routes serpentent le long des rivières et torrents à la couleur émeraude. La beauté des montagnes combinées aux gorges profondes est stupéfiante.
En effet, si l’asphalte est majoritairement bon, il faut néanmoins se méfier des routes de montagne qui peuvent sembler être des nationales mais qui deviennent soudainement des chemins forestiers sur plusieurs kilomètres. Branchages, pierres, feuillages et mousse rendent le sol parfois très glissant et franchement casse-gueule.
Les ours de Shikoku
Une mauvaise trajectoire dans un tournant et je me suis étalée de tout mon long au milieu d’un de ces petits chemins. Une fois dégagée de la moto, j’ai vite pris conscience que j’étais vraiment au milieu de nulle part. Depuis plus d’une heure que je roulais dans cette forêt, je n’avais croisé aucune âme. Les premières tentatives pour relever ma moto furent un échec. Que faire ? Attendre ? Partir à pied ? J’avais ma tente, 2 barres de céréales, un sifflet et mon opinel…Into the wild or not ?
Et soudain, je me suis rappelée le panneau croisé quelques kilomètres avant ma chute et qui représentait un ours. Je crois que c’est l’idée de croiser « Bouba le petit ourson » qui m’a donné la force ultime de relever ma bécane…
J’ai parcouru Shikoku du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Je me reposais de mes journées de roulage un peu trop rudes en retrouvant le plaisir de longer tout simplement le Pacifique et en goûtant au plaisir des Onsen, des bains d’eau de source volcaniques naturelles. Il y en a partout au Japon et les Japonais en raffolent. Après huit heures de route par jour en moyenne, il n’y a rien de plus agréable que de se plonger dans ces eaux qui avoisinent les 40 degrés, nu comme un verre au milieu de la nature. Une fois que vous avez saisi tous les rudiments de cet art (on se lave avant d’entrer dans les bains!), les Onsen deviennent vos meilleurs amis. Un délice revigorant quotidien pour reprendre de plus belle la route vers les Alpes japonaises.
Mont Fuji, mon amour…
Avec encore à l’esprit les sommets de l’Himalaya (mon précédent road trip), je me demandais bien ce qu’on pouvait trouver à cette montagne d’à peine 3376 mètres d’altitude et qui s’amuse à vous faire un strip tease permanent. Souvent couvert, très rarement découvert, le Mont Fuji joue en effet à cache-cache et des Japonais vous diront ne jamais l’avoir totalement aperçu.
J’ai décidé de camper dans un petit bois à face à lui pour avoir toutes les chances de l’entrevoir au petit matin. J’ai passé une nuit en mode Projet Blair Witch. Je ne sais ce qui a été le pire entre l’orage au-dessus de ma tête, les pluies torrentielles ou les bêtes qui rôdaient. Armée de mon sifflet et de mon opinel, je n’ai tout simplement pas fermé l’œil de la nuit.
Les joies du camping
Mais quel bonheur quand au petit matin j’ai ouvert les yeux. La tempête de la nuit avait balayé le moindre nuage à l’horizon et le Mont Fuji resplendissait de toute sa beauté. Serait-ce la perfection de ses courbes, ses proportions parfaites, ses neiges éternelles qui fascinent autant ? Je n’avais pas assez de mes yeux pour embrasser une telle beauté et je comprends que Hiroshige ait pu produire tant de vues du Mont Fuji. Rien que pour le plaisir de rouler au côté du Mont Fuji, mon voyage se justifiait. Ce fut l’une des plus belles récompenses au bout de ma route.
Définitivement, le Japon est un pays à visiter à moto. Certes, perdue dans mes montagnes, j’ai eu quelques appréhensions, mais quel bonheur de rouler seule !
De tracer ma route, de m’arrêter là où bon me semblait, de m’en prendre qu’à moi-même quand j’étais définitivement paumée.
Au final, je n’ai pris qu’un seul risque : celui de devenir accro à ce plaisir insatiable de rouler, de vivre et revivre encore cette sensation d’arracher ma liberté aux éléments, de respirer la nature par tous les pores, de ne faire qu’un avec le vent et de rencontrer l’Esprit de la route. Désormais, ce kami ne me quittera plus.