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Me & the Papa… le début du voyage.
Hey Papa ? Te souviens-tu? C’était en juin 2012. C’était ton rêve.
La route 66. Et jamais, au grand jamais, je n’aurais pu imaginer à quel point ton rêve allait changer ma vie. Pour ta fête, je reviens sur ce moment que nous avons partagé tous les deux et qui a bouleversé ma vie en y faisant entrer : la passion de la moto. Comment expliquer pourquoi ? Comment? Aussi soudainement j’ai su, là bas, que je posais la première borne kilométrique de ma nouvelle vie ? Flash-back. C’était précisément le 21 juin 2012.
Le décalaminage mental, vous connaissez ?
Ce jour là, j’allais pas fêter la musique avec mes potes mais un départ, avec toi, pour un bout de la route 66. Ah oui, t’étais drôlement heureux. Et moi ? Diable, je ne pensais qu’aux 2000 miles que mes fesses allaient subir en tant que passagère. La moto ? Je n’y avais jamais vraiment songé. Je l’aimais bien ta Harley. Sans plus. Et puis, à peine arrivés, nous avons pris la Road King et nous avons commencé à rouler. Patato Patato Patato. C’est là en quittant Las Vegas, en direction de Search light (quel nom !), j’ai vécu ce que j’appelle : mon DECALAMINAGE MENTAL.
Il y eut 3 étapes.
Japan ride, 1 fille, 1 moto au japon
Le voyage de Sophihiro…
Le voyage de Chihiro est le plus grand succès de l’histoire du cinéma japonais avec 23 millions de spectateurs au Japon. Le dessin animé de Miazaki raconte l’histoire d’une petite fille qui alors qu’elle se rend avec sa famille dans sa nouvelle maison, entre dans le monde des esprits.
Les esprits dont parlent Miazaki sont les « kamis » de la religion Shinto.
Forces ni bonnes ni mauvaises, les kamis sont invisibles dans le monde des vivants et pourtant ils habitent chaque élément du monde…
Au Japon, il existe ainsi des centaines de kamis : celui des vents (le kami kaze), celui des montagnes, des rizières, de la pluie, du soleil, des forêts, des mers, des feuilles, des cailloux….Aujourd’hui, si je peux dire que je les ai tous croisés, je suis persuadée d’avoir rencontré le Kami de la route. Oui, de Shikoku au Mont Fuji, de la mer du Japon au Pacifique, l’esprit de la route m’a accompagnée pour parcourir ces petits 2000kms toute seule au guidon de ma belle moto orange.
Yamamoto et y’a surtout des virolos….
Le Japon souffre d’une image hyper « mégapolisée ». Tokyo, Nintendo, Sony, les lolitas édulcorées, les salary men dépressifs…bref Lost in translation.
La réalité est pourtant à 1000 tatamis de cela. Le Japon est recouvert à plus de 70% de montagnes et de forêts denses. Seul un peu plus du cinquième du territoire est habitable expliquant ainsi la très forte concentration de la population près des littoraux. Les montagnes qui s’étendent du Nord au Sud sur près de 2000 km forment un terrain de jeu magnifique et grandiose pour les amateurs de sensations, de paysages magnifiques et de virolos à gogo.
Le Japon est un pays absolument fascinant, un pays fort et fragile, capable de se pâmer devant l’évanescence d’une fleur de cerisier comme de résister aux pires catastrophes. C’est aussi le pays des paradoxes et des étrangetés en tout genre. On peut fumer dans les bars et restaurants mais pas dans la rue.
Et si c’est le pays de la moto, c’est aussi une vraie tanné pour en louer une. Les Japonais ne parlant pas l’anglais, il est quasiment impossible de se procurer une moto car il est tout simplement impossible de comprendre les informations fournies. Heureusement, j’ai réussi après de longues recherches à trouver mon bonheur auprès d’un garage indépendant tenu par un Australien à côté du Mont Fuji.
Là, une magnifique moto m’y attendait : une Kawasaki W650 orange pétante. Une moto, bien différente de ma Harley certes, mais idéale pour mon gabarit, ultra maniable, robuste, assez puissante et pas trop lourde. Dès la mise en route du moteur et les premiers kilomètres, j’ai adoré cette bécane et je l’ai rebaptisée « Orange Mécanique ».
Conduire au Japon ?
Les Japonais roulent à gauche. Cela peut paraître déroutant au début, mais finalement ce n’est pas bien compliqué si on est concentré. Et il faut l’être car si nos amis nippons roulent majoritairement très très lentement, le gros bémol reste leur tendance à mettre leurs clignotants uniquement au moment où ils tournent. C’est inopiné, c’est surprenant et c’est très dangereux. Rajoutez à cela que la moyenne d’âge des conducteurs dans les campagnes doit approcher les 100 ans et vous comprendrez qu’il faut se méfier.
Quant aux panneaux, ils sont majoritairement en japonais et en écriture latine ce qui permet de reconnaître le nom des villes. En revanche une fois sur les petites routes, vous ne pouvez vous fier qu’à votre fond de carte gps qui ne traduit pas forcément les noms des villages….Il est donc absolument nécessaire de partir avec des cartes routières, qui sont uniquement en japonais !
Donc forcément, on se perd. Pour ma part, je me suis perdue des dizaines et des dizaines de fois. Comme dit Christophe Colomb, « on ne va jamais aussi loin que quand on ne sait pas où l’on va ». Alors, j’ai décoché toutes les options de mon gps : autoroutes, grands axes, routes payantes et j’ai pris la route, la mienne.
Into the wild à Shikoku…
Ma route m’a amenée à Shikoku, l’une des quatre grandes îles du Japon, connue des Japonais pour son pèlerinage des 88 temples et inconnue de la plupart des touristes.
Il faut dire que cette île volcanique a une topographie inhospitalière car composée uniquement de montagnes recouvertes de forêts impénétrables. La densité des arbres (bambous géants, pins centenaires) est à la fois ensorcelante et angoissante. L’île recèle ainsi l’une des régions les plus cachées du Japon autour de la Vallée d’Iya.
Rouler au cœur des gorges d’Oboke Koboke est tout simplement magique. Les petites routes serpentent le long des rivières et torrents à la couleur émeraude. La beauté des montagnes combinées aux gorges profondes est stupéfiante.
En effet, si l’asphalte est majoritairement bon, il faut néanmoins se méfier des routes de montagne qui peuvent sembler être des nationales mais qui deviennent soudainement des chemins forestiers sur plusieurs kilomètres. Branchages, pierres, feuillages et mousse rendent le sol parfois très glissant et franchement casse-gueule.
Les ours de Shikoku
Une mauvaise trajectoire dans un tournant et je me suis étalée de tout mon long au milieu d’un de ces petits chemins. Une fois dégagée de la moto, j’ai vite pris conscience que j’étais vraiment au milieu de nulle part. Depuis plus d’une heure que je roulais dans cette forêt, je n’avais croisé aucune âme. Les premières tentatives pour relever ma moto furent un échec. Que faire ? Attendre ? Partir à pied ? J’avais ma tente, 2 barres de céréales, un sifflet et mon opinel…Into the wild or not ?
Et soudain, je me suis rappelée le panneau croisé quelques kilomètres avant ma chute et qui représentait un ours. Je crois que c’est l’idée de croiser « Bouba le petit ourson » qui m’a donné la force ultime de relever ma bécane…
J’ai parcouru Shikoku du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Je me reposais de mes journées de roulage un peu trop rudes en retrouvant le plaisir de longer tout simplement le Pacifique et en goûtant au plaisir des Onsen, des bains d’eau de source volcaniques naturelles. Il y en a partout au Japon et les Japonais en raffolent. Après huit heures de route par jour en moyenne, il n’y a rien de plus agréable que de se plonger dans ces eaux qui avoisinent les 40 degrés, nu comme un verre au milieu de la nature. Une fois que vous avez saisi tous les rudiments de cet art (on se lave avant d’entrer dans les bains!), les Onsen deviennent vos meilleurs amis. Un délice revigorant quotidien pour reprendre de plus belle la route vers les Alpes japonaises.
Mont Fuji, mon amour…
Avec encore à l’esprit les sommets de l’Himalaya (mon précédent road trip), je me demandais bien ce qu’on pouvait trouver à cette montagne d’à peine 3376 mètres d’altitude et qui s’amuse à vous faire un strip tease permanent. Souvent couvert, très rarement découvert, le Mont Fuji joue en effet à cache-cache et des Japonais vous diront ne jamais l’avoir totalement aperçu.
J’ai décidé de camper dans un petit bois à face à lui pour avoir toutes les chances de l’entrevoir au petit matin. J’ai passé une nuit en mode Projet Blair Witch. Je ne sais ce qui a été le pire entre l’orage au-dessus de ma tête, les pluies torrentielles ou les bêtes qui rôdaient. Armée de mon sifflet et de mon opinel, je n’ai tout simplement pas fermé l’œil de la nuit.
Les joies du camping
Mais quel bonheur quand au petit matin j’ai ouvert les yeux. La tempête de la nuit avait balayé le moindre nuage à l’horizon et le Mont Fuji resplendissait de toute sa beauté. Serait-ce la perfection de ses courbes, ses proportions parfaites, ses neiges éternelles qui fascinent autant ? Je n’avais pas assez de mes yeux pour embrasser une telle beauté et je comprends que Hiroshige ait pu produire tant de vues du Mont Fuji. Rien que pour le plaisir de rouler au côté du Mont Fuji, mon voyage se justifiait. Ce fut l’une des plus belles récompenses au bout de ma route.
Définitivement, le Japon est un pays à visiter à moto. Certes, perdue dans mes montagnes, j’ai eu quelques appréhensions, mais quel bonheur de rouler seule !
De tracer ma route, de m’arrêter là où bon me semblait, de m’en prendre qu’à moi-même quand j’étais définitivement paumée.
Au final, je n’ai pris qu’un seul risque : celui de devenir accro à ce plaisir insatiable de rouler, de vivre et revivre encore cette sensation d’arracher ma liberté aux éléments, de respirer la nature par tous les pores, de ne faire qu’un avec le vent et de rencontrer l’Esprit de la route. Désormais, ce kami ne me quittera plus.
Surf & ride au Sri Lanka
On dit du Sri Lanka, que c’est la larme de l’océan Indien. Cette petite île (de la taille du Benelux) semble, en effet, comme s’écouler tristement de l’Inde, sa grande voisine. Des larmes ? Le Sri Lanka en a beaucoup versé avec une guerre civile qui déchira pendant trente longues années les habitants de ce petit paradis.
Depuis 2009, fort heureusement, le conflit entre Tamouls et Cinghalais a cessé et aujourd’hui le Sri Lanka offre un nouveau visage : joyeux, souriant et multiple. Ses plages de cartes postales et ses routes magnifiques entre plantation de thé, montagnes brumeuses, savanes arides en font un terrain de jeu formidable pour les motards et les surfeurs.
Pierry Minette, motard aventurier et surfeur, a eu la bonne idée de créer Surf & Ride, un road trip inédit pour combler les amoureux du bitume et des belles vagues. Avec comme bagage, 3 semaines de surf en Bretagne et 3 ans de permis, je me suis lancée dans cette aventure unique.
Le programme était simple. Depuis Colombo, la capitale, longer une partie de la côte sri- lankaise, faire quelques incursions dans les terres et surtout combiner un maximum de sessions de roulage et de surf. Pour prendre la route ? Une Royal Enfield, le mono 500 idéal pour s’élancer sur l’asphalte comme sur les chemins un peu plus cabossés du pays. Pour prendre les vagues ? Rien de plus simple. Sur toutes les plages, une petite guitoune nous attendait pour louer une planche pour quelques roupies. Ensuite il n’y avait plus qu’à se jeter… à l’eau.
L’âme à la vague
Pour l’habituée de l’Atlantique que je suis, le premier contact avec le Pacifique à Hikkaduwa fut évidemment contrastant.
Adieu combinaison intégrale, cagoule, chaussons and co… ici l’eau avoisine facilement les 29 degrés ! De quoi se faire plaisir pour surfer ou tout simplement barboter.
Mais attention les eaux paradisiaques du Sri Lanka se révèlent plutôt surprenantes avec des vagues bien plus puissantes qu’elles n’y paraissent. Arugam Bay est connue mondialement pour ses vagues, longues et rapides, dépassant parfois les trois mètres.
Ici, il faut donc avoir le maillot bien accroché et être prêt à vivre des moments de machine à laver programme essorage intensif. Après quelques essais, j’ai vite saisi ce premier point en commun entre le surf et la moto : la route comme l’océan te rappellent toujours que tu n’es pas le roi du monde.
Tout comme un virolo mal embarqué peut te faire embrasser le bitume, une vague mal amorcée peut aussi te faire manger du sable voire du corail. Je me souviens encore d’un mauvais démarrage en surf qui m’a donné l’impression de m’insérer sur un circuit en scooter avec des 200 chevaux qui me talonnent dangereusement !
Conduire au Sri Lanka
Tous les matins, après une petite session de surf au lever du jour et un petit déjeuner bien épicé comme il se doit, venait le joyeux moment de reprendre la route. Conduire au Sri Lanka, est une aventure à part entière. Dès le premier kilomètre, je me suis sincèrement interrogée sur le niveau exigé pour obtenir le permis dans ce petit pays. A vrai dire au deuxième kilomètre, je me suis tout simplement demandé s’il y avait un permis. Et finalement, au troisième kilomètre, je me suis dit qu’à l’épreuve de l’évitement au plateau, les Sri Lankais seraient les champions hors catégorie. Car c’est bien simple, au Sri Lanka, conduire équivaut à éviter les autres qui sont, dans le désordre d’apparition : les tuk tuk, les chiens, les piétons, les voitures, les vaches et les autocars rouges. Datés d’un autre siècle, ces derniers sont définitivement les plus dangereux. A 90 km/heure, lancés comme des bolides sur des routes qui traversent de minuscules villages, ils freinent à peine aux arrêts de bus. Et voilà des piétons et des passagers capables de toutes les cascades (en tongues) pour grimper ou descendre du diabolique engin roulant.
Finalement, après quelques bornes, le klaxon devient l’extension de votre pouce et se révèle bien plus important qu’un quelconque clignotant. Heureusement, ceci n’est valable que pour les rares routes nationales, car tout comme les meilleurs spots de surf, (encore un point en commun) les plus belles routes sri lankaises savent se faire désirer et sont éloignées des grands axes.
Pierry Minette, le guide, a bossé un parcours qui n’est autre que du bonheur à rouler
A fleur d’océan, les petits chemins qui traversent les villages de pêcheurs sont dignes de cartes postales vivantes. La nature y reprend ses droits et vous offre son flot d’odeurs paradisiaques et ses couleurs explosives : frangipaniers, bougainvilliers, hibiscus géants. Le Sri Lanka est un pays tout en fleurs et si le pacifique vous fait toujours de l’œil, c’est bien les sourires des enfants et des habitants qui vous accompagnent tout au long des ces petites routes.
Let’s ride and smile !
Du bonheur ….en infusion
Il faut savoir délaisser les routes côtières et les planches de surf pour s’enfoncer dans les terres intérieures du Sri Lanka. Rouler dans les Hautes Terres, c’est du bonheur en infusion ! Les virages en épingles à cheveux au fil de crêtes verdoyantes vous font ondoyer au milieu d’une tapisserie émeraude : celle des plantations de théiers. Le Sri Lanka portait jusqu’en 1972 le nom de Ceylan, un nom indissociable du thé. Les environs d’Ella, au centre du pays offrent un paysage fascinant façonné par l’Homme il y 2 siècles et entretenu tels les jardins du château de Versailles. La Royal Enfield est parfaite pour s’aventurer sur les chemins pierreux et s’enfoncer au cœur des plantations.
Un paradis vert parmi lequel drapées dans leurs saris éclatants les cueilleuses sont autant de petites touches de couleurs. Au guidon de mon fidèle destrier, j’ai pensé que la cueillette était un bien joli mot pour désigner en réalité un travail harassant effectué uniquement par des femmes tamoules. Ces familles demeurent les plus mal payées du pays et sont encore sous considérées y compris par le reste de leur communauté ! Ainsi, chaque jour à la sueur de leur front, les cueilleuses récoltent plus de 35 kilos de petites feuilles qui en moins de 24h deviendront la célèbre poudre dégustée à l’heure du five o’clock tea. De quoi regarder différemment le petit sachet de thé une fois rentrée ! Les routes des Hautes Terres sri-lankaises restent selon moi les plus beaux moments de roulage du voyage et l’image la plus évocatrice de cette île.
Prêt pour un safari moto ?
Avec ces 200 kilos réservoir plein, la Royal Enfield pèse 15 fois moins que le plus grand pachyderme du monde à savoir l’éléphant. Une comparaison certes un peu inhabituelle mais tout de même à prendre en compte quand vous abordez un corridor routier indiquant par un panneau (on ne peut moins habituel) la traversée probable de Babar et toute sa famille.
Les réserves naturelles comme celle de Yala au cœur de l’ile permettent non seulement de s’éclater sur des petites pistes parfois ensablées bien sympathiques et aussi de s’approcher à quelques centaines de mètres des géants de la forêt. Un spectacle magique à vivre surtout à la tombée du jour quand la terre ocre se pare de ses plus beaux reflets et que toute la nature se met en mouvement : ici les centaines de hérons par centaines regagnant leurs arbres, là les buffles revenant des rizières avec leurs inséparables piques bœufs sur le dos… Pour les amoureux de la nature, le Sri Lanka offre vraiment une faune exceptionnelle à apprécier en toute liberté depuis sa selle. Les singes qui déguerpissent, les paons qui s’extasient devant vos roues, les varans qui se traînent nonchalamment… sont autant de visions qui rythment le voyage quotidiennement.
Je pourrais également parler des centaines de temples bouddhistes et hindouistes qui jalonnent la route, des délicieux rice curry qui enflamment les papilles, des trésors architecturaux comme la ville de Galle et son passé colonial hollandais classée au patrimoine mondial de l’Unesco, des chiens jaunes errants aux oreilles coupées signe de bonne santé et même d’un corbeau qui s’est bien marrer à lâcher sa prise (un poisson mort) en plein vol sur ma tête…
Oui, le Sri Lanka est un pays surprenant et multiple.
Il y a fort longtemps, il portait le nom de « Serendib » qui a donné le nom un peu râpeux et peu connu de sérendipité, soit le fait de trouver ce qu’on ne cherche pas (un peu comme la tarte tatin, le coca-cola, et bon nombre d’inventions issues du hasard). Le Sri Lanka peut revendiquer haut et fort son illustre nom car une chose est certaine, là-bas, vous trouverez bien plus que ce que vous y êtes allés chercher. Des plages de rêves pour surfer, des routes sublimes mais surtout une façon unique de mettre votre âme en déroute. N’est-ce pas là le but de tout voyage ?
Himalaya, Ladakh et Zanskar
L’idée d’un grand voyage en moto était enfouie en moi depuis toujours.
A 39 ans, avec un permis en poche depuis à peine deux ans et mes quelques milliers de kilomètres au compteur sur mon sporster Harley 72, il était temps pour moi d’aller vérifier cette information (de la plus haute importance) : les yacks avaient-ils déserté les hauts plateaux himalayens au profit de hordes de motards ?
Mon périple était le suivant : 2000 km de route dans la chaîne himalayenne, au Ladakh et au Zanskar, deux régions indiennes, situées au Nord Est de l’Inde, derniers refuges de la culture tibétaine en terre libre.
Je partais en groupe, avec un guide, une assistance technique et en Royal Enfield. Je prendrai la moto à Leh, capitale du Ladakh pour 13 jours de roulage à raison de 8 heures de moto quotidiennes et ce à une moyenne de 4000 mètres d’altitude. Un joli défi et surtout de belles émotions en perspective. Feed Back !
Quand on arrive à Delhi, l’Inde vous infuse par tous les pores. La chaleur y est suffocante, l’odeur poisseuse, le bruit obnubilant. La capitale indienne et ses quelques vingt millions d’habitants vous aspirent dans son immense roue de la vie et vous ne pouvez rien y faire. C’est ainsi, vous êtes plongés dans le plus grand bazar humain et le plus beau concert de klaxons du monde. Le vacarme est si intense que Delhi aurait été déclarée « ville la plus bruyante du monde » et depuis peu une ONG essaye désespérément d’instaurer une journée sans klaxons. Bon courage.
Vous ne retrouverez pas de calme mais vous rongerez un peu votre frein en partant à la découverte de Karol Bagh, le plus grand marché dédié à la moto de New Delhi !
Karol Bagh est une sorte d’avenue de la Grande Armée (NDLR : avenue comportant tous les concessionnaires de moto à Paris) mais version super capharnaüm ! Au milieu de ruelles boueuses et d’un délicieux mélange d’odeurs de friture et d’huile de vidange, les mécanos s’affairent au fond d’échoppes minuscules à réparer et bidouiller tout ce qui peut encore rouler. On peut tout acheter en pièce détachée, tout vendre aussi, tout se faire faire sur mesure et bien entendu trouver la moto de ses rêves. Au choix, la mythique Royal Enfield mais aussi des Héro Honda à pléthore, des Bajaj de toutes les époques et quelques récents modèles.
Leh, une ville dans les nuages
Atterrir à Leh, véritable point de départ du road trip, donne l’impression de se poser au milieu des nuages. La capitale du « Petit Tibet libre » se situe à 3600m d’altitude et il déjà possible de ressentir les symptômes du Mal des Montagnes : Céphalées, nausées, vomissements et vertiges en sont les signes les plus fréquents. Son incidence est variable, mais les effets augmentent très rapidement avec l’altitude ; 15 % à 2 000 mètres d’altitude et 60 % à 4 000 mètres. Il est possible de prendre des médicaments pour s’en prémunir mais il vous en coutera quelques effets secondaires comme souvent des fourmillements au niveau des pieds et des mains.
Celle avec qui je vais partager mon quotidien pendant deux semaines est une Bullet Classique 500cc, le modèle emblématique de chez Royal Enfield.
Une moto de légende incarnant toujours aujourd’hui l’aventure et le style. Fondée en 1890 en Angleterre, Royal-Enfield a lancé en 1949 la Bullet 350, l’Inde en équipera son armée et usinera ainsi la moto. En 1970, si l’usine britannique disparait, la firme Enfield-India Limited subsiste.
« Made like a gun, runs as a bullet”
La prise en main est somme toute assez perturbante quand on est habitué comme moi à un sporster 1200 cc avec des commandes avancées et un guidon apehanger. Là, avec ses quelques petits 180 kg et son petit empattement, je me sens sur un vélo. Fort heureusement le sélecteur de vitesse est à l’occidentale et on a le choix de kicker ou pas. J’adore le ronronnement du monocylindre, sa facilité de prise en main, son petit air rustique. Néanmoins, pendant les premiers kilomètres, j’ai l’impression qu’elle est bridée à 80k/h. En effet, le monteur n’incite guère à monter dans les tours mais c’est surtout la puissance qui ne semble pas être au rendez-vous à l’inverse des vibrations.
Une première impression certes en demi-teinte mais toute relative quand on se rappelle les effets de l’altitude sur la puissance du moteur et surtout quand on emprunte les routes indiennes qui sont trouées comme du gruyère. La petite 500 cc va me bluffer par sa robustesse et sa maniabilité.
Rouler jusqu’à 5602 mètres d’altitude, done !
L’ascension du Kardunhg la, le col carrossable le plus haut du monde à 5602m, ne sera qu’une simple formalité pour la Royale qui semble flotter au-dessus des cailloux. Pour la conductrice, c’est moins évident. Caillasse, virolos en épingle, froid, poussière….l’acclimatation est raide et il faut rester concentrée sur la topographie du terrain alors que le paysage est absolument fascinant.
Jullay ! Jullay ! (bonjour)
Splendide Lamayuru
Qui dit ascensions de cols dit fort heureusement descentes vers les vallées. Les routes qui serpentent au milieu des plaines au travers du Ladakh sont des moments de roulage purement magiques. Après une belle journée de virolos, le village tranquille de Lamayuru, perché au cœur des roches se révèle un havre de sérénité inattendu. Son monastère, le Yungdrunp Gompa, le plus vieux du Ladakh abrîte aujourd’hui encore, des moines et des moinillons qui y pratiquent le bouddhisme dans la plus pure tradition tibétaine. Au milieu des tournesols et des roses trémières qui poussent incroyablement bien à de si hautes altitudes, il faut savoir quitter son plus fidèle destrier pour aller à la rencontre du peuple ladakhi et de sa gentillesse. L’ascension, à pied, au lever du soleil jusqu’au chorten (édifice religieux) surplombant le village me coûte presque un poumon mais, une fois au sommet, m’offre un moment unique de quiétude.
Reprendre la route chaque matin malgré le froid et les courbatures de la veille demeure un moment de plaisir. Chaque départ est une promesse de paysages toujours plus beaux, toujours différents. Ainsi les routes qui mènent vers Kargil, à quelques dizaines de kilomètres du Pakistan à vol d’oiseau, sont d’une beauté majestueuse et les mots sont impuissants au regard de la grandeur et de l’immensité qui vous entourent.
Au fur et à mesure des kilomètres, les réparations se multiplient : joint de culasse, bras oscillant, pneus crevés, câble d’embrayage….A moins d’être un super pro de la mécanique, d’apporter avec vous toutes les pièces de rechange ou d’avoir plusieurs mois devant vous, il est nettement préférable d’être accompagné par un mécanicien indien. Sanjay sera mon sauveur, une sorte de super héros de la mécanique, un défi humain lancé aux visages de tous les garagistes, un affront impensable pour tous les concessionnaires. Car Sanjay détecte la moindre panne à l’oreille, répare tout ce qui se trouve sur une Royal en moins de 15 mn et toujours avec le sourire.
Ici et peut-être plus qu’ailleurs, les choses ont la valeur que vous voulez bien leur accorder. Alors, un câble d’embrayage foutu, c’est avant tout l’opportunité de contempler l’immensité, de rencontrer les populations et tout simplement, qui sait, d’éviter un carambolage de camions à 5 mn près.
Comparé au Ladakh, le Zanskar reste une région rarement explorée et encore moins en moto.
Cette petite région est isolée du reste du monde durant un interminable hiver de 8 mois ! Dans ces hautes vallées, un peuple de paysans et de moines y vit (pauvrement) vivant de tsampa (farine de d’orge) et de lait de dri (femelle du yack). Miam.
Une seule piste permet de s’enfoncer dans les plaines zanskaries. 400 kms de cailloux (et pas des petits gravillons), ornières, et passages de gué s’ouvrent devant vos roues. La vitesse moyenne quotidienne est ridicule. Entre 15km/h et 40 km/h maximum pour parcourir à peine 100 kms par jour. Mais peu importe, au Zanskar, le temps s’arrête et vous n’avez pas assez de vos yeux pour réaliser que ce que vous voyez est tout simplement hors proportion, dans sa splendeur, sa beauté, sa minéralité.
Après 8 heures d’effort, vous pouvez toujours rêver d’un bon bain chaud, vous ne l’aurez jamais. Les hôtels sont des campements assez sommaires. Pas d’eau chaude, des sanitaires qui n’en ont que le nom, du courant électrique épisodiquement. En septembre, c’est l’été au Zanskar, et les nuits sont déjà froides (moins 5 degrés la nuit dans les tentes). Mais au diable l’encombrement occidental ! Discuter avec les femmes zanskaries, bergères isolées de tout ou jouer avec les moinillons du monastère de Karsha vous fera relativiser et prendre de la vraie altitude.
J’emmène toujours un album photos avec moi pour partager en images, faute de mots, un peu de ma vie…ici les moines s’étonnaient de voir ma fille, Anna, à la mer. L’océan étant une réalité bien lointaine pour les zanskaries.
Jullay ! Jullay ! (bonjour)
J’adore, j’adore les camions Tata !
La Transhimalayenne
L’étape ultime du périple est la Transhimalayenne. Construite dans les années quatre-vingt-dix, elle suit le tracé de l’ancienne route de la soie et connecte la vallée de l’Indus au pied sud de l’Himalaya afin d’atteindre le cœur de l’Inde. Retrouver le bitume est une sensation exquise. Le Rhotang La col situé à 3978 mètre et qui veut dire « tas d’os » (beaucoup de voyageurs y auraient laissé leur peau) sera l’apothéose en terme de conduite. Pluie battante en continue, boue, brouillard, bouchon de camions Tata sur des dizaines de kilomètres…C’est ubuesque, apocalyptique, un peu dangereux, mais tellement (re)vivifiant.
Mon coeur est resté à Saarchu
Ma plus belle rencontre. Je lui ai laissé mon album photo avec les photos d’Anna.
Et les yacks dans tout ça ? Soyez rassuré, ils n’ont pas déserté l’Himalaya. Vous en croiserez un de temps à temps. Exactement comme ces motards en Royal Enfield qui s’amuseraient presque à se prendre pour des aventuriers…et qui ont bien raison.