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Luc Cotterelle, Terre Propice (dvd). L’aventure comme Présent.
Le mot « présent » est un bien joli mot. Il veut dire « maintenant », « être là, assister » et il veut dire « cadeau ».
C’est pourquoi le mot “présent » colle parfaitement au film de Luc Cotterelle : Terre Propice.
Car voici l’histoire d’un homme qui a rendez-vous avec lui-même, chaque jour, là, aux confins de l’Afrique, dans ces terres propices qui vont tout lui offrir : la bienveillance, l’entraide, la liberté…le temps.
Un incroyable périple que Luc effectue en 2012, seul, alors âgé de 41 ans, au guidon de sa 1150 GS. Au départ, un petit break prévu de 6 mois, voire 8, max, le temps pour lui de rejoindre Cap Town en Afrique du Sud depuis sa ville, Dunkerque. L’escapade durera 2 années et 7 mois.
Quelques 950 jours, 87 300 km, 44 pays traversés, 5000 litres d’essence, 20 kg de perdus…les chiffres permettent à peine de saisir l’ampleur de son aventure, et c’est tant mieux car sincèrement l’essentiel est bien ailleurs. L’essentiel ne se calcule pas, ne se mesure pas, ne se quantifie pas.
Alors, tant pis pour les amoureux des exploits kilométriques, les stakhanovistes de la route, les furieux de la montre, les « François Gabart » du bitume… Luc prend son temps et moi je l’ai tant apprécié ce temps, émerveillée pendant les 1h30 de son film réuni sur 2 DVD.
Au départ, cela ressemble à une échappée, nécessaire, presque vitale comme une urgence. Pourtant, si pour Luc, il semble urgent de prendre le temps, le vrai tempo de son voyage, c’est le rythme de l’Afrique qui va le lui imposer, petit à petit.
Un rythme scandé de galères en sourires, de difficultés en rencontres miraculeuses, de phases de doutes en phases de certitudes.
Voilà, le rythme de l’Afrique qui l’embarque dans ce qui devient alors une promenade (pas toujours de santé), une balade ou devrais-je dire une ballade comme un poème, comme un chant. Oui Luc flâne. Le grand raide vadrouille.
Il prend son temps et beaucoup de détours, parfois forcés, souvent souhaités, jusqu’à parfois se mettre en déroute, lui-même.
L’errance est en embuscade comme il le dit. Pas l’errance géographique, l’errance de l’esprit. Il le sait. Le présent le remplit, le présent l’avale aussi.
Alors de pays en pays, Luc apprend à ajuster « son lâcher prise » et moi, je pense à Nicolas Bouvier en regardant ce grand gaillard qui pense faire un voyage alors que le voyage le fait et le défait à grand coup de providences.
Si le film de Luc se conjugue au présent, l’Afrique, elle, se conjugue au pluriel.
J’aurais bien collé un petit « s » à cette « Terre Propice » tellement magnifique de sa diversité, tellement riche de ses ethnies, de leurs cultures, de leurs savoir-faire et de leurs rituels fascinants.
Du Mali au Togo, du Gabon au Burundi, du Gabon à l’Ethiopie…ce film est un magnifique témoignage sur l’Afrique. Et si les images sont belles, je crois que les paroles le sont encore plus.
Les conversations sont parfois drôles. Souvent, les échanges se passent de mots. Et puis, immanquablement, derrière les sourires, les mots vous balancent à la face une réalité tellement dure.
J’entends encore ceux emplis de fatalité des « bayendas », ces courageux pousseurs de vélos qui ne rêvent que d’une route en lieu de leurs pistes ravinées. Ou encore, la sagesse de cet homme burundais, qui avec 3 simples cailloux pour cercler un feu, explique les 3 valeurs de son pays : l’unité, la paix, le progrès…sinon le pot ne tiendra pas sur le feu.
https://youtu.be/nTFPDJMeZGE
« Demain il fera beau sur les routes, demain il fera beau sur les chemins » Kaporal Wisdom.
Et puis surtout, surtout, cet optimisme, brandi comme ce qui semble être, bien souvent, la seule arme contre le destin et l’injustice.
Oui, si l’optimisme était une monnaie, l’Afrique serait sûrement le continent le plus riche du monde.
Et enfin, la parole de Luc. Elle se fait guide tout au long du film pour nous apprendre tant sur ce continent, sans jugement, tout en nuance.
Entre confidences sur ses (rares)appréhensions, son sentiment d’impuissance souvent, les mots de Luc claquent parfaitement, justes, sincères et empreints d’une rare humilité, aussi grande que l’est son aventure.
Oui, Il faut bien écouter ce film. Jusque dans ces moindres détails comme prendre le temps de découvrir la superbe playlist qui égrène tant de petits bijoux musicaux, de belles voix, de messages engagés.
https://www.youtube.com/watch?v=1jzwUHlimmE
Lorsque j’ai rencontré Luc, je l’ai trouvé Grand, certes, mais surtout comme tant d’autres, je lui ai dit d’écrire un livre. On doit être nombreux à te mettre la pression !
Au final, Luc, je me rends compte à quel point ton film est déjà un livre.
Un livre où les protagonistes sont avant tout le sourire des enfants, des femmes et des hommes rencontrés, les paysages, l’optimisme et bien sûr cette moto que tu tiens à bout de bras, à moins que ce ne soit l’inverse, sans mise en scène.
Et pourtant, c’est un livre ouvert sur toi.
Luc, Il y a tant de voyageurs qui bouchent leurs propres paysages.
Toi, c’est l’inverse.
Et selon moi, sache-le, ça, c’est le vrai talent des grands écrivains-voyageurs.
Terre Propice est un cadeau, pour les yeux, les oreilles et l’âme. Offrez-le (vous) !
DVD en vente depuis son site : www.le-grand-raid.com
Crédit photos : Luc Cotterelle.
Anne-France, c’est pas du vent. (livre)
C’était en 1972.
Seule femme sur 92 pilotes, Anne-France Dautheville, 28 ans, participe au raid Orion entre Paris et Ispahan. Une fois arrivée en Iran, elle poursuivra en Afghanistan et au Pakistan.
Trois mois plus tard, à son retour en France, des rumeurs circulent : on la dit lesbienne, nymphomane, et surtout qu’elle ment sur son exploit car elle l’a fait dans un camion du raid ! Voilà qui est gonflé tout de même !
Anne-France brasserait-elle de l’air ?
Furieuse, elle décide de repartir, seule, cette fois-ci, pour un tour du monde, qu’elle veut faire constater par huissier : Canada, Alaska, Japon, Inde, Afghanistan avec une petite Kawasaki 100cc…..et na ! Son périple incroyable, elle le relate en 1975 dans Et j’ai suivi le vent, réédité cette année, chez Petite bibliothèque Payot Voyageurs.
Je l’ai lu cet été et voilà 3 mois que je repousse l’exercice de vous partager mon avis (puisque j’ai en pris l’habitude). Je ne me suis pas pressée et j’ai drôlement bien fait.
En effet, il y a quelques mois, mon opinion était pliée : Je n’avais pas franchement aimé le livre d’Anne-France et pire encore je ne comprenais pas le vent d’enthousiasme qui emportait soudainement toute la presse.
En effet, j’ai eu vraiment du mal à entrer dans son livre et à y rester. A me dire que j’aurais mieux fait de mettre 9 euros dans mon réservoir que de lire les aventures de cette jeune femme qui pourtant me faisait tant envie.
Oui, j’ai trouvé que la narration ne laissait peu de place, sinon aucune, à la description des paysages qu’elle avait dû pourtant traverser, à ses sensations vécues sur la moto….C’était un enchainement de rencontres, d’allers-retours d’ ambassades en bureaux Air France et autres péripéties. Parfois, cela en devenait comique, comme ces lignes entières qu’elle accordait à des faits sans grand intérêt tel ce passage sur sa rencontre nocturne avec un chat alors qu’elle campait au bord d’une piscine.
« C’est à ce moment précis que le chat m’a vue. Un beau chat tricolore comme ce n’est pas permis, visiblement francophile. Zzzzwip ! Clop, clop, clop ! Ce crétin de chat venait de découvrir le toboggan. J’ai peu dormi, cette nuit-là. »
Désarmant, comme l’idée d’un chat tricolore, en effet. Moi, j’aurais aimé qu’elle me parle de la beauté (ou pas) des rives du St Laurent, des forêts canadiennes…
Et bien non : « J’avais fait mon devoir de touriste, j’avais vu Montréal, j’avais vu Québec. Maintenant les forêts pour me faire plaisir ».
L’héroïne, puisqu’elle se définit ainsi, semblait suivre simplement le vent balayant parfois d’une rafale tout un pays. Le chapitre intitulé « quelques arguments pour mieux détester le Japon » est pour le moins explicite.
Certes, sur ce coup-là, étant fascinée par la culture nippone, c’est sans aucune objectivité, que je vous avoue mon agacement à supporter ses préjugés pendant 40 pages sur les japonais et les japonaises comme autant de vérités de la Palice.
Diable, Anne-France, le voyage ne consiste-il pas aussi à avoir de nouveaux yeux ?
Et puis, parfois, c’était tout l’inverse. Son écriture révélait une femme dotée d’un humour certain, mais également d’une sensibilité à fleur de peau.
« Ma vie est-elle si vide, que je sois obligée de lui fabriquer sans cesse des motivations et des événements ? Que je lui ordonne un sens, afin qu’elle en ait un ? Pourquoi ne faut-il sans cesse faire ? Ne puis-je donc me contenter d’être ? Qui est ce à quoi je tends, au plus profonde de moi ? Suis-je le Juif errant, et faudra-t-il que j’aille au plus loin de la joie, de la souffrance et du partage, pour trouver en fin, en un éclatement ultime et douloureux l’être que je passe ma vie à fuir, de toute mon énergie. Ce soir je suis fatiguée, je deviens mauvaise joueuse. Alors le jeu s’évanouit, et il ne reste que des pourquoi et pas beaucoup de parce que ».
Avec ces quelques lignes empreintes de sincérité et de fragilité, je me réconciliais avec Anne-France qui n’était pas sans me rappeler Ella Maillart, cette grande exploratrice qui n’a eu de cesse, elle aussi, au travers de sa quête de grandiose de pourchasser finalement sa propre réalité.
Je refermais donc la dernière page en me disant que si Anne France avait suivi le vent, moi je n’avais rien suivi du tout. Je restais avec une idée brouillonne de sa personnalité, à l’image de l’illustration de la couverture de son livre. J’étais mi- déçue mi-énervée, comme si je lui en voulais de ne pas m’avoir donnée ma dose d’aventure et d’exploit.
Aussi, parce que j’ai trop de respect, d’admiration et d’envie pour tous les écrivains voyageurs ou voyageurs écrivains, et parce qu’il était donc impossible que je sois aussi lapidaire sur le genre, je suis allée écouter le mystère Anne-France Dautheville.
Le rendez-vous avait lieu samedi 28 novembre, chez MYMY Rider, super atelier de réparation/boutique d’accessoires dédié aux femmes adeptes de motos situé à Paris dans le 20ème arrondissement.
Dès ses premiers mots, j’ai saisi qu’Anne France écrivait tout simplement comme elle parlait. Avec beaucoup de dérision, de franc-parler, d’ironie, de fraicheur et de piquant.
Sa voix déborde de vie. Son intonation joyeuse retombe parfois d’un coup sec, rendant sa répartie encore plus tranchante, surtout quand on ne s’y attend pas, comme la belle chute à la fin d’une histoire. Car oui, Anne-France Dautheville fait rire et sait bien le faire. Elle se moque d’elle-même, rit de ses aventures, se joue de son image de belle brindille un peu guindée et avoue tout de go que de toute façon elle n’a vraiment compris le sens de son voyage que 50 ans plus tard.
« Au fond c’est idiot de faire le tour du monde. C’est idiot et, à la limite, c’est dangereux. Idiot, parce que j’ai vu trop de choses trop vite, que j’ai touché à tout, et que peut être je n’ai rien compris ».
Un détachement qui continuait de me surprendre et qui contrastait pourtant avec une sensibilité que je sentais sourdre en elle, quand elle commentait pour nous ses photos de voyages, celles de visages d’enfants…ou encore quand elle évoquait avec émotion la majesté des Bouddhas de Bâmiyân au Pakistan réduits en poussière en 2001 et qui l’avaient tant fascinée.
Alors qu’en conclure ?
Que je devrais probablement relire son livre.
Je l’apprécierais probablement beaucoup mieux, même si je garderai cette impression d’un livre écrit de façon instinctive, une « démonstration », un manifeste de son audace, de sa témérité et de sa réussite, une preuve pour le fameux huissier, une réponse à ses détracteurs comme pour dire : « Tenez les gars, voilà, je l’ai fait, c’est écrit là et « Je crois que maintenant j’ai surtout envie de me taire » comme elle l’avoue en première page.
Je crois que je garderais aussi ce double sentiment : celui d’avoir écouté et rencontré une très grande dame. Une sacrée nana, un vrai caractère, une femme à la fois téméraire et drôle. Et puis celui d’avoir lu le livre d’une jeune-femme qui se raconte mais qui ne se dévoile pas, qui se montre mais ne se livre pas.
Oui, si Anne-France était un vent, elle ne serait pas de ceux-là qui balayent les plaines, brûlent les yeux ou cinglent les visages pour vous laisser exténués. Non, elle serait une petite brise qui s’amuse à caresser les surfaces des fleuves, à décoiffer les coiffures de ses dames et à faire tourbillonner les feuilles d’automnes dans les airs nous faisant lever les yeux vers le ciel pour s’apercevoir que « tiens, aujourd’hui, le ciel est bien bleu ».
Alors chers ami(e)s je vous invite à découvrir son livre et à me dire ce que vous en avez pensé et surtout à aller la rencontrer lors de d’une de ses interventions. Quant à vous, chère Anne France Dautheville, je vous remercie chaleureusement de m’avoir déroutée. Tenez, je vous envoie même une petite bise…..une façon chaleureuse de vous souhaiter encore de suivre le vent, longtemps.
crédit photos Anne-France Dautheville.
+ infos : https://www.facebook.com/annefrancedautheville/
http://www.payot-rivages.fr/payot/livre/et-jai-suivi-le-vent-9782228918138
La promesse de la route… (livre)
Sur la couverture, un portrait, un regard. Celui d’une petite fille éthiopienne magnifique, majestueuse, des yeux incroyables, perçants, tristes.
Le regard d’une enfant qui semble déjà n’en être plus une…
Odile était elle aussi belle ? Forcément. Avait-elle le même regard quand elle comprit que la maladie allait l’emporter laissant l’homme qu’elle aimait tant et qui l’aimait tant ? Peut-être.
Le « Bandana Bleu, Contes d’une promesse » de Jean-Jacques Aneyota n’est pas un livre qui parle de moto. C’est bien mieux. C’est un magnifique livre sur l’amour, sur un amour éternel que la mort a emporté, sur un homme, Jean-Jacques, qui part « à moto promener son deuil sur les routes africaines. »
J’ai lu le « Bandana Bleu » d’une seule traite. Impossible de m’arrêter, touchée en plein cœur par la sincérité de Jean-Jacques, la sincérité de ses sentiments et de son écriture; une écriture juste, sensible, simple. Scotchée aux pages, un régal à lire.
Quel bonheur de suivre ce voyage, l’itinéraire d’un homme blessé. Un périple rythmé de contretemps, jalonné de rencontres, de bons samaritains, qui freinent son « impatience, l’ennemi du voyageur » comme il l’écrit, et qui pourtant le feront avancer…
Avancer. On ressent parfois chez l’auteur comme une urgence à progresser, à en terminer de ce voyage, comme de cette douleur, en s’éprouvant vite…Une impatience qui contraste avec le rythme de l’Afrique, continent qui va lui donner « la première leçon de (son) errance volontaire (…) un voyage est long fleuve dont le courant nous entraine parfois dans le dédale incertain de ses circonvolutions…mais loin d’être un contretemps chaque méandre constitue une porte ouverte vers de nouvelles rencontres, de nouvelles aventures. »
Oui, comme le dit Nicolas Bouvier « Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas aussi le droit de vous détruire. Un voyage est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n’a pas coulé ne sauront jamais rien de la mer » disait Nicolas Bouvier.
Alors le naufragé avance. Il tombe puis retombe et se relève. Toujours.
Non sans humour, l’auteur partage sa route : joyeuse, douloureuse, heureuse : « à défaut de piloter, j’avais appris à tomber », « La chaleur monte très vite, cela devient une véritable fournaise.
J’ai le choix entre deux modes de cuisson : visière du casque baissée, je cuis à l’étouffée et visière relevée, je grille. »
De sa moto, on ne saura pas grand-chose avant la fin du livre. Peu importe la monture pourvu qu’on ait l’ivresse, n’est-ce pas ? Pour l’auteur, le motard » … est à l’instar du fauve, tous sens aux aguets. Il est en prise direct avec son environnement. Il est l’odeur chaude de la terre, se délecte de la pluie tombant sur sa peau, ou du vent lui caressant le visage. Le voyage est sensualité. Sensualité brutale parfois, douloureuse même, mais sensualité avant tout. «
Si l’on ignore tout de cette moto, celle dont il tait le nom, c’est Odile.
« Elle » l’accompagne dans ce voyage et « Elle » l’entourera toujours de son amour avec ce petit bandana bleu…c’est pour « Elle » qu’il est parti, pour tenir une promesse.
Au rythme du voyage et aux rythmes de l’Afrique, le cœur de Jean-Jacques se remet alors en route. « Le voyage me guérit d’Elle petit à petit ».
Avec une grande justesse, simplicité et humanité, il partage son amour pour ce continent où « si la richesse se mesurait à l’aune du nombre de fois où les gens rient par jour, alors, l’Afrique serait infiniment plus riche que l’Occident ».
Vous l’aurez pigé : J’ai adoré ce livre.
Il ne parle pas de moto et pourtant indirectement il évoque merveilleusement la force du voyage à moto, l’énergie libératrice et parfois salvatrice qu’il peut procurer.
Sur la dernière de couverture : la moto, sa R100GS de 91, toute crottée, usée, éreintée.
Une moto qui semble se reposer, enfin, s’appuyant de tout son poids sur cette petite béquille pour la maintenir dans un équilibre a priori bien précaire et pourtant solide.
N’est-ce pas finalement une bien jolie image de la moto ? Un engin défiant toutes les lois de l’équilibre et qui a pourtant le pouvoir de nous relever, de nous tenir debout, solide et fragile à la fois.
Le Bandana Bleu, contes d’une promesse est édité par la maison d’édition : Le Monde pour passager. Leur but est d’éditer des récits de voyages singuliers sous deux collections : Davaï (récits de voyage format roman) et Road trip (beaux livres d’images). N’hésitez pas à découvrir tout leur catalogue !
https://www.youtube.com/watch?v=Ig91Z0-rBfo
J’ai écrit ses quelques lignes en écoutant la fabuleuse Sona Jobarteh, une compositrice, chanteuse et instrumentaliste gambienne, première femme joueuse professionnelle de Kora. Je l’ai découverte au Festival du Bout du Monde sur la Presqu’ïle de Crozon cet été. Magnifique, comme le « Bandana Bleu », elle vous fera voyager dès les premières minutes. J’espère que si Jean-Jacques Aneyota me lit, il appréciera.
La photo de couverture du Bandana Bleu est de Patrick Galibert.
Paul Ardenne, la moto sur le divan (livre)
Si vos proches, vos amis, votre famille pensent que vous êtes déjà complètement toqué, mordu, accro… de la moto, alors un bon conseil : ne laissez pas traîner ce livre car sinon ils prendront carrément peur !
Dans Moto Notre amour, livre paru en 2010, Paul Ardenne (historien de l’art) s’emploie à disséquer par le menu la relation que nous, biker, pilote, motard…entretenons avec notre moto.
Et c’est à la fois intéressant, étonnant, flippant !
Il faut dire que Paul Ardenne n’y va pas avec le dos de la cuillère et pousse sa réflexion jusqu’aux frontières de l’art et de la philosophie parlant de la moto comme d’un « projectile humanisé, un super membre complémentaire, un bras, une jambe, un sexe, une entité cérébrale en sus » et d’une relation à elle « corpo-poétique » qu’il faut entendre par « poiesis », en grec, la création. Ok ?
Un texte troublant, parfois excessif, intime à la lecture duquel je me suis parfois trouvée complètement imperméable mais aussi parfois en complète résonance.
Sans nul doute, de nombreux passages trouveront en vous un écho et vous rappelleront des situations maintes fois vécues :
- Le jour où l’on montre à ses potes sa moto pour la première fois, cet instant magique du « dévoilement » ou c’est la moto qui prend la pose et que l’on entoure avec cérémonie.
« Le regard alors est actif et sensitif à la fois. L’œil voit pense, évalue, disserte, jouit ». - Ce moment où l’on roule dans un tunnel : « Le bruit renforce le lient entre moto et pilote. Les tunnels routiers ? De formidables chenaux de musicalité mécanique. Dans un tunnel, la moto baigne dans son propre bruit, amplifié. »
- Ce moment où l’on se retrouve en groupe : « Ces rassemblements que l’on atteint après avoir parcouru parfois des milliers de km pour être présent, et où l’on sera distingué par ses pairs pour ce haut fait kilométrique ».
La regarder, l’écouter, la toucher…Paul Ardenne dresse ainsi un motoportrait par les 5 sens car même le goût y passe ! Oui, oui , le goût.
Le chapitre « Amours suprêmes » est particulièrement corsé, voire osé.
L’auteur y évoque de façon assez étonnante le goût de la moto. Oui goûter sa moto, son huile, comme un œnologue goute un vin. Cette étrange attirance pour l’huile du moteur, la graisse du carter…ce qu’il appelle : l’érotisme du sale.
Quand à toucher sa moto, il écrit : « Ma main promenée avec précision dans leurs entrailles mécaniques, sur la surface aussi lisse qu’une vulve féminine aux lèvres épilées d’un réservoir ou d’un flanc de carénage, sur telle excroissance de leur plastique ou de leur mécanique érigée en saillie….comme une fouille corporelle, une masturbation. »
De là à passer pour « un désaxé motomaniaque » bon à enfermer, il n’y a qu’un pas…
Une véritable fusion érotique, vous dis-je.
« Ma moto, toujours, est un corps vif. Elle est mon corps, je suis le sien. Nous communiquons, nous nous comprenons. Nous endurons ensemble et devenons solidaires, amis, amants. Son moteur s’envole-t-il vers les hauts régimes, nous pulsant l’un et l’autre dans l’air toujours plus dense, quand je visse en butée sa poignée d’accélérateur, je jouis avec elle. »
Marianne Faithfull aime enfourcher le gros engin… dans La motocyclette, filme réalisé par Jack Cardiff, sorti en 1968.
Un livre où l’on se retrouve, on se découvre, on apprend, on s’étonne, on s’interroge et où l’on se perd parfois un peu mais qui évoque souvent avec grande justesse ce double sentiment d’exaltation et de dangerosité que nous connaissons tous, parfaitement, avec la moto.
Un « désir d’effroi » (que certains recherchent plus que d’autres probablement) et qu’il décrit ainsi « piloter une moto, c’est célébrer la vie à chaque instant et tout autant à chaque instant pouvoir chuter, cette même vie volontairement mise en péril. » Une célébration comme un poème ; « Une création de soi que la moto précipite, encourage, élabore. » selon l’auteur.
Moto, notre amour : une vraie philosophie de la moto, une esthétique, voire une théologie si l’on reprend les termes du proverbe que Paul Ardenne cite en exergue de son livre : “Dieu est une 1000 Vincent Black Shadow“ ».
Un livre à lire allongé sur un divan…le psy en moins.
Fenouil, chroniques sahariennes (livre)
Dans son livre, publié en 1974, « une moto dans l’enfer jaune », Fenouil évoque les « Chroniques Martiennes » de Ray Bradbury, comparant le Désert qu’il aime tant, à une étrange planète échappée de quelques lointaines galaxie avec « d’énormes rochers, mystérieux météores comme abandonnés par de formidables mutants après un combat sans merci... »
Oui, pour Fenouil, dans le Tademaït (Sahara Algérien), la terre n’est pas ronde, elle est infinie et Pythagore se serait emmêlé dans ses parallèles car dans l’enfer jaune, elles ne rejoignent pas.
Cet infini désertique, Fenouil en est amoureux et ça, ce n’est pas de la science-fiction.
Deux trans-sahariennes et des kawa…
De façon frénétique, il va se lancer dans deux transsahariennes en 1973 avec, à chaque fois, une Kawasaki.
– La première : Alger-Tamanrasset pendant les plus fortes chaleurs avec une Kawasaki 900 Z.
– La deuxième : un raid Paris-Dakar via Adrar (Algérie), Gao (Mali) et Bamako en traversant le Tanezrouft avec une Kawasaki 350.
Alors, tout de go, je vous l’dis, pour ma pomme qui n’était même pas imaginée dans la tête de mes parents en 1974, j’ai découvert une autre époque, voire une nouvelle ère ! Laquelle ? Celle des carénages Hugon, des portes bagages increvables Bottelin Dumoulin, des sacs de réservoir en skaï (!!)…et surtout, celle où l’on avait l’audace de se lancer dans la traverser du Sahara avec une Kawasaki absolument pas préparée pour cela !
Ceci est un carénage Hugon.
Ceci est un porte bagage Bottelin Dumoulin.
Et tout cela, c’est un peu de l’histoire ancienne.
Daniel Hugon se tuera lors du Abidjan-Nice en 1976 et les établissements Bottelin-Dumoulin, fermeront définitivement en 2006. RIP
juin 1973
Juin 1973, avec son pote Hubert Rigal (qui lui fait l’assistance avec une Volvo 544 Sport) et Maria Pietri (une amie photographe), ils se jettent ainsi dans l’océan de sable. Plouf.
Le récit de Fenouil est émerveillé, fascinant, passionné, passionnant.
Perso, j’ai eu la gorge nouée à le suivre dans cet enfer jaune, roulant souvent à plus de 100km/h, attaquant les « boulevards de sable fin, de cailloux » puis les dunes.
« Merde, impossible de l’éviter, la moto décolle lourdement, retombe, plonge, saucissonne. A grand coup de barre, je tente de sauver le navire et son capitaine : droite, gauche, tout à droite, encore à droite, déplacer le corps…je vais tomber, je le sais. »
Le désert comme la grande bleue… »une immensité aussi mouvante » avec ses pièges et notamment la tôle ondulée qui casse les mécaniques les plus solides et dont il parle si bien. Merci ! ! Maintenant je sais ce que c’est !
Insatiable Fenouil ! L’appel du désert, qui lui tenaille le ventre et qu’il compare au « vertige des profondeur » le reprendra à peine quelques mois après son premier exploit.
» …ne plus viser seulement le coeur du Sahara mais le traverser de part en part pour en ressortir du côté de Dakar, voilà qui pourrait être un bien beau raid pour une moto et son heureux pilote ».
novembre 73
Novembre 1973, le voilà, donc tout heureux, prêt à affronter le désert absolu : le Tanezrouft, “l’empereur des sables comme le Pacifique est empereur des océans »; 1600 km sans pompe à essence.
Cette fois-ci, il partira au guidon d’une Kawa 350, la big horn, le grand mouflon, la grosse bête des montagnes, celle qui « sent bon le sable chaud ».
Oui, entre elle et lui, ce sera une vraie histoire d’amour …et puis d’eau fraiche.
De l’eau fraîche, prévoyez-en une bonne quantité en lisant son livre.
Moi, je suis restée plus d’une fois la gorge séchée à l’imaginer se battre contre la chaleur écrasante, le Siroco qui brûle, le sable qui s’immisce partout, les épines qui « échardent »…et frôlant parfois le pire : se perdre et que Jean-Claude Guénard et Maria (toujours) en Land Rover ne passent à quelques kilomètres de lui sans le voir.
Avec sa « mobylette land-rover », Fenouil réussira son incroyable défi, un exploit qui ouvrira les portes du Paris-Dakar.
Oui, il m’a fallu quelques temps pour me désensabler de cette lecture. Le livre de Fenouil m’a filé un coup de bambou, laissé des étoiles plein les yeux, limite du sable plein les poches et surtout procuré cette impression d’avoir voyagé dans une nouvelle galaxie.
Car une chose est certaine. Si le Désert est une autre planète alors Fenouil en est son plus grand ambassadeur (extra-terrestre….)!
Ps : je n’ai toujours pas compris pourquoi Fenouil se faisait appeler Fenouil…
Les poireaux au Touquet je comprends, ils se plantent dans le sable.
Mais le Fenouil ? 🙂 Si vous avez la réponse, merci d’éclairer ma lanterne de néophyte.
On m’apprendra peu après que Fenouil est également l’auteur, entre autre, de « La nouvelle de ma mort a été très exagérée« , (ben j’espère bien tintin !!) ; une course moto qui part de Côte d’Ivoire et bascule dans un Desertworld futuro-régressif où la gracieuse Captain Tamacheq séduit le Général Motors, surfeur de vagues géantes…comme quoi, l’extra-terrestre n’est pas loin.
Quelques liens bien sympathiques où j’ai pu trouver quelques photos.
http://tpouge.free.fr/SablesChauds/Fenouil.html#Son_Parcours.
Martine fait le Paris-Dakar (livre)
Moi quand j’étais petite je lisais Martine au camping, Martine petite maman, Martine ballerine, et même Martine fée du logis…
Et pourtant, alors que j’avais 4 ans, la vraie Martine, the real one, the best Martine, s’élançait dans le premier Paris-Dakar !
C’était en 1979. Elle s’appelle Martine de Cortanze.
Presque 40 ans après son exploit, je découvre cette femme extraordinaire et son incroyable aventure. Son livre, « une fille dans le désert », je l’ai dévoré en quelques heures. J’ai adoré.
Martine, j’ai aimé ta spontanéité et ta passion soudaine, sincère pour le tout terrain alors que tu n’es que spectatrice lors d’une course d’enduro et que tu vois un crossman s’arrêter pour pointer devant toi lors d’une course.
« il arrive avec un grand coup de dérapage….il piaffe d’impatience, son regard le dit. Il a gardé dans les yeux l’expression tendue de l’effort ..Ce visage marqué par la fatigue mais où la volonté et la détermination se lisent si bien, me donne subitement envie d’aller voir à mon tour si je n’ai pas quelques limites à aller chercher par là. »
Et comment tu l’as fait !
De Paris à Dakar, tu racontes avec humour et moult détails techniques, comment tu vis (survis?) à chaque étape. Des ornières, au fech-fech, aux passages de gués, notre Martine passe TOUT.
Avec tellement de courage, de lucidité, de culot, de tactique, Martine, tu fais ta course. Et tu cours en tête Martine !
Bien sûr, parfois tu t’envoles dans les arbustes, enterres ta moto, atterries limite sur un chameau, aides tes copains de course mais surtout tu te relèves à chaque fois….même au dessus de 30 mètres de vide !
Dans sa combinaison de cuir qui te brûle, te teint les jambes, tu braves le vent des sables et ces maux de reins qui te malmènent. Diable…quelle athlète !
Alors pour passer le temps, pour surpasser les éléments, tu t’inventes des histoires. Au guidon de ton monocylindre, en plein désert, tu ‘imagines à Tahiti ou bien en Normandie. Tu transposes l’enfer des kilomètres à des trajets que tu connais par cœur…ou dont tu rêves. « Il faut bien certain temps à l’esprit pour attraper un rythme de pensée tel que l’idée fixe, en l’occurrence, les kilomètres passés, présents et à venir ne reviennent pas trop souvent. J’ai beau essayé de ne pas regarder les panneaux, rien à faire… »
Et puis Martine, tu as ta petite botte secrète, un petit vanity case, que tu retrouves parfois lors d’une étape, même si lui aussi subit la dureté du voyage.
Te voilà toute crasseuse après chaque étape à essayer de rester féminine. Une jupe par ci, un coup de rimmel par là..Martine, tu restes, tant que tu le peux, une femme jusqu’au bout des cale-pieds.
Douée, intelligente, jolie…Tu t’ en fiches des machos qui veulent absolument te doubler et qui trouvent des excuses quand ils n’y arrivent pas.
« Je n’ai aucune envie d’attaquer les hommes et encore moins de les battre car je serais trop triste de ne pouvoir les admirer dans l’effort, j’aimerais juste bien me mesurer à moi-même et voir si je réussirai à aller jusqu’au bout de mes ambitions ».
Et quelle ambition !
Martine Cortanze, numéro 41, tu arriveras à Dakar.
– 19 ème au classement général.
– 11 ème au classement moto.
– 1ère au classement féminin.
« Je me revois à la maison, à genoux sur le tapis du salon en train de tracer l’itinéraire du rallye sur la carte étalée devant moi. Minuscule microbe à l’échelle du trait de crayon feutre, je parcours en ce moment cette longue ligne noire que j’ai dessiné et qui maintenant est jalonnée de souvenirs ».
Punaise, Martine, que j’aimerais avoir tes souvenirs ma belle !
Je suis complètement admirative, une femme qui combine avec intelligence et humour ta passion de la moto. Et quel courage, quelle endurance, quelle vivacité, quelle vie ! BRAVO.
Merci 1000 fois pour avoir partagé ton aventure !
Une fille dans le désert : le rallye Paris-Dakar.
Martine De Cortanze
Edité par Solar (1979)
A trouver d’occasion !
♥♥♥
Ride in Peace Robert…
Il y a quelques jours, Robert M. Pirsig, âgé de 88 ans s’en est allé. Vous connaissez sûrement l’auteur du « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes ». Vous l’avez peut-être lu ? Vous l’avez peut-être compris ?
Perso, quand j’avais lu « Motocyclette » sur la jaquette, je m’étais précipitée en me disant que ça allait être une lecture super méga cool. Le pitch ? Un mec, son fils, en bécane, à travers les states le tout saupoudré de bonnes ondes bien flex en mode ouvre tes chakras autant que les gaz. Sauf que Robert est obsédé par la qualité. Je ne parle pas de celle de son carburateur. Non, Robert est complètement toqué de la notion philosophique même de la Qualité.Sincèrement, j’avais embarqué son livre au Japon dans mon road trip en me disant que le soir, devant ma tente, seule, face à mon destin : « Toi Robert, mécano-philsophe, t’allais m’aider à y voir plus clair sur la vie, mon œuvre, tout ça. » Franchement, j’ai surtout bu un bon coup de saké…car j’ai rien pigé. Nenni. Quedal. Sorry Robert. C’est pas cool de ma part. Avec ta disparition, j’apprends que ton manuscrit a été refusé 121 fois par des éditeurs, score qui le fait entrer au « Guinness book records » !? Que personne ne voulait le traduire ! Et surtout, que t’as subi à 28 reprises des «électrodes d’annihilation artificielle». WTF ???!!! Tu m’étonnes que t’as voulu tracer en motocyclette pour comprendre la life. Allez, je promets pas de le lire en entier, mais c’est décidé, je vais en racheter un exemplaire et puis j’irai l’abandonner somewhere around the world, rien que pour te faire triper encore un peu. Ride in Peace Mister !